Garantir le respect des droits de l’Homme en entreprise
Traditionnellement, on considère que la protection des droits de l'Homme relève exclusivement de la compétence des États. Seuls les États seraient en mesure de proclamer et de faire respecter les droits de l'Homme sur leur territoire. Or, du fait de la place particulière de l'entreprise dans la société, celle-ci remplit un rôle à part entière en matière de respect des Droits de l'Homme. Cet engagement se traduit par la mise en place d'un ensemble de pratiques par les entreprises, dans le cadre de leur politique RSE (Responsabilité sociétale des entreprises).
La RSE désigne l'ensemble des pratiques mises en œuvre par les entreprises en vue de respecter les principes du développement durable d'un point de vue social, économique et environnemental. Ces pratiques se traduisent notamment par le respect des droits de l'homme dans le cadre des conditions de travail des salariés ainsi que par l'instauration d'un devoir de vigilance à l'égard des multinationales.
Le respect des droits de l'Homme dans le cadre professionnel
Proclamés en France dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789, les droits de l'homme sont les droits fondamentaux inhérents à la personne humaine. Inaliénables et universels, ils sont opposables en toutes circonstances. Le droit à un travail digne en fait partie.
Atteinte aux droits de l'Homme au travail
Les risques d'atteintes aux droits de l'Homme au sein des entreprises sont nombreux. Le premier facteur d'atteinte aux droits humains en entreprise est la rupture d'égalité entre les salariés. Si le code du travail comporte quelques dispositions en matière d'égalité, c'est le juge qui a consacré le principe de l'égalité de rémunération ainsi que celui de l'égalité de traitement entre les salariés d'une même entreprise. Le législateur a également instauré le principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce principe reste cependant inappliqué dans certaines entreprises.
Découle du principe d'égalité en entreprise, celui de la prohibition de la discrimination au travail. Ainsi, aucun salarié ou agent d'un service public ne peut subir de discrimination. Il y a discrimination au travail lorsque les salariés sont traités différemment par leur employeur en raison de leur âge, origine géographique ou sociale, orientation sexuelle, opinions politiques ou religieuses, apparence physique, état de santé ou handicap... Ces discriminations peuvent survenir au moment de l'entretien d'embauche mais également tout au long de l'exécution par le salarié, de son contrat de travail. Ainsi, le salarié peut être discriminé en raison de son salaire, de l'octroi ou non d'une formation, d'une promotion ou lors de son licenciement. Ces discriminations sont contraires au principe d'égalité des chances et sont par conséquent prohibées.
Les entreprises peuvent également porter atteinte au droit de leurs salariés à travailler dans un environnement sain. Cela concerne plus particulièrement les industries polluantes et les entreprises dans lesquelles les salariés sont amenés à manipuler ou respirer des substances toxiques. Lorsque ces entreprises n'équipent pas assez leurs employés, elles mettent directement en danger leur santé. Ces salariés peuvent également voir leur santé se dégrader à cause d'un rythme de travail trop intense, des charges lourdes à porter ou encore à cause de la réalisation de gestes répétitifs.
Dans les cas les plus graves, les entreprises peuvent contribuer au travail des enfants ainsi qu'au travail forcé via leurs sous-traitants. Ce sont ces situations d'atteintes graves aux droits de l'Homme et des salariés, qui ont amené le législateur à instaurer en 2017 un devoir de vigilance à l'égard des multinationales.
Ainsi, dans certains pays le travail des enfants est toujours autorisé. Les ONG estiment à plus de 250 millions le nombre d'enfants travaillant dans le monde. L'âge minimum légal pour travailler est de 15 ans dans les pays développés et 14 ans dans les pays en développement. Cet âge est repoussé à 18 ans lorsque le travail est particulièrement dangereux (16 ans dans les pays en développement). Le travail des enfants est strictement encadré par les conventions de l'OIT (Organisation Internationale du Travail). Bien que rare en Occident, certaines entreprises peuvent contribuer au travail des enfants en sous-traitant une partie de leur production dans un pays en développement dans lequel le travail des enfants est autorisé.
Il existe également des formes de travail forcé. Véritable esclavage moderne, le travail forcé se définit comme le fait de contraindre une personne, par la violence ou la menace, à réaliser un travail sans rémunération ou en échange d'une rémunération insuffisante par rapport à la tâche accomplie. Le travail forcé est sanctionné en France par l'article 225-14-1 du code pénal : jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 200 000 € d'amende.
Respecter les droits de l'Homme
Bien que le respect des droits de l'Homme incombe en priorité aux États, les entreprises ont la responsabilité de veiller au respect des droits de leurs salariés. Cette responsabilité a été notamment proclamée par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU par le biais des principes directeurs sur les entreprises et les droits de l'homme, adoptés en 2011. Ces principes reconnaissent aux entreprises un devoir de respecter les droits de l'homme.
D'autres normes internationales, essentiellement élaborées au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU), édictent et protègent des droits propres aux travailleurs. C'est le cas de l'OIT, fondée en 1919. L'OIT est une agence de l'ONU dont la fonction est de promouvoir les droits de l'Homme au travail. L'agence compte 183 états adhérents et ses membres sont à la fois des représentants des différents gouvernements ainsi que des employeurs et des salariés. L'OIT élabore à la fois des conventions juridiquement contraignantes, 189 à nos jours, et des recommandations aux états membres sur les droits fondamentaux au travail. Les conventions de l'OIT ont permis la reconnaissance de certains droits fondamentaux au travail, notamment : l'abolition du travail forcé et du travail des enfants, la liberté syndicale et la prohibition de la discrimination au travail. D'autres dispositions concernent plus directement les conditions de travail des salariés ainsi que leur santé, sécurité et le bien-être au travail. L'OIT supervise le respect de ses conventions par les États membres.
Des outils ont également été créés dans le but de mesurer la liberté des travailleurs. C'est le cas de l'indice Economic Freedom of the World, en français l'Indice de liberté économique. Créé en 1995, cet indice permet de mesurer la liberté économique des états grâce à 10 critères économiques. Cette liberté économique se traduit notamment par une liberté totale de mouvements pour les salariés. C'est pourquoi, il n'est pas étonnant de retrouver dans les critères de la liberté économique, ceux de la liberté d'entreprendre et de la libéralisation du travail. Dès lors, l'analyse des conditions de travail des salariés d'un pays, contribue à évaluer la qualité de l'économie de ce pays.
Le devoir de vigilance de la part des entreprises
À côté des dispositions régies par le droit du travail, une loi du 27 mars 2017 a institué un devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordres.
Ce texte de loi a été initié en réponse à l'effondrement en 2013 du Rana Plaza. Situé au Bangladesh, cet immeuble regroupait des ateliers de confections dont la production était destinée à des grandes marques de prêt-à-porter occidentales. Son effondrement a coûté la vie à 1138 travailleurs et avait généré une prise de conscience internationale sur les conditions de travail de ces salariés.
Ce devoir de vigilance correspond à une obligation de gestion des risques en entreprises afin de prévenir les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. Toutes les entreprises ne sont pas soumises à ce devoir de vigilance. Seules les sociétés françaises qui emploient au minimum 5000 salariés en France ou les sociétés étrangères qui emploient au moins 10 000 salariés en France, y sont soumises.
Les entreprises sujettes au devoir de vigilance doivent mettre en place un plan de vigilance afin de prévenir les atteintes aux droits fondamentaux des salariés :
- liberté d'association
- droit à un salaire égal pour un travail égal
- droit à l'égalité de traitement au travail
- droit à un environnement de travail sûr
- droit au repos et aux loisirs
- respect de l'égalité des chances
- droit à la santé, sécurité et bien être au travail
Ces atteintes peuvent être commises au sein de leurs structures mais également par leurs filiales ou sous-traitants, français comme étrangers.
Ce plan de vigilance doit comprendre :
- Une cartographie des risques
- Des actions afin d'atténuer les risques et prévenir les atteintes
- Des procédures d'évaluation des filiales et des sous-traitants
- Un dispositif d'alerte et de recueil des différents signalements
- Le suivi des diverses mesures mises en œuvre ainsi que leur efficacité
En cas d'incident, les salariés mais également les syndicats ou associations de travailleurs, peuvent saisir le juge afin de faire respecter ce devoir de vigilance par les entreprises concernées.
Respect des droits de l'Homme et communauté
Le respect des droits humains en entreprise est tributaire de la solidarité internationale et des actions solidaires menées par les différentes ONG.
Les militants ont un véritable rôle de surveillance et de dénonciation des abus commis par certaines entreprises en matière de droits de l'Homme. Ces groupes n'hésitent pas à rendre public ces atteintes aux droits humains, quitte à subir des représailles de la part des entreprises. Ils jouent un rôle important dans la responsabilisation des entreprises en matière de droits de l'Homme et militent pour l'adoption de nouvelles normes internationales contraignantes pour les entreprises.
Outre les ONG, les entreprises elles-mêmes s'engagent pour le respect des droits de l'homme. Elles le font notamment grâce à des fondations. C'est ainsi que des fondations ont été mises en place afin de défendre diverses causes, telles que la place des femmes en entreprise, le soutien de l'entrepreneuriat féminin comme source d'émancipation des femmes, ou encore la facilitation de l'insertion professionnelle des jeunes défavorisés afin de promouvoir l'égalité des chances.
D'autres entreprises consacrent une part importante de leur mécénat afin de lutter contre les discriminations sur le marché de l'emploi. Ainsi, les mécènes viennent en aide aux travailleurs les plus précaires afin de les soutenir dans leurs projets professionnels. Le travail est alors un moyen de créer du lien social et d'autonomiser l'individu.
En adoptant une stratégie RSE, les entreprises s'engagent à mettre en pratique des actions destinées au bien-être des salariés et à la protection de l'environnement. Cela peut conduire les entreprises à remettre en cause leur business model afin que celui-ci soit compatible avec la préservation de l'environnement. Cela concerne principalement les industries polluantes. Ces efforts afin de limiter l'impact de leur activité sur l'environnement, ont également des effets sur le bien-être de leurs salariés. Ainsi, limiter la pollution d'une activité, c'est préserver la santé des salariés qui y sont directement exposés. Améliorer le bien-être de ses salariés, c'est également avoir une politique sociale au sein de son entreprise. Celle-ci peut viser à promouvoir la diversité au sein du personnel, par exemple en embauchant des personnes en situation de handicap ou venant de milieux défavorisés.
Ainsi, en adoptant une politique RSE, les entreprises contribuent au respect des droits de l'Homme dans le milieu du travail. Cette volonté de plus en plus prégnante au sein des entreprises, contribue à l'équilibre de ce que l'on nomme le business ecosystem et au bien-être au travail. Cet écosystème d'affaires renvoie aux différentes interactions qu'il peut exister entre les parties prenantes d'un même site, ici d'une même entreprise. La RSE permet alors la construction, au sein de l'entreprise, d'un business ecosystem respectueux de l'environnement et de ses salariés tout en étant économiquement viable.